InShape 1 est apparu en France en 1992, suivant de peu la sortie des "formidables ordinateurs" Atari TT (à base de microprocesseur Motorola 68030). Pour l'époque, cette machine était vraiment formidable (Elle le reste d'ailleurs et parmi l'équipe d'InShape, certains utilisent toujours un TT, toujours aussi fiable en l'an 2001 même si bien évidemment sa puissance peut faire sourire dorénavant...).
InShape 1 intégrait en une seule application, quatre
fonctions:
- un éditeur de scène 3D
- un imageur (ou Shader, ou moteur de rendu calculant
les images).
- un modeleur 3D à facettes
- un éditeur de dessin vectoriel 2D pour extruder
ou révolutionner des figures.
Le tout présenté avec une interface avant-gardiste et d'une lisibilité sans faille. Le look de l'interface (à la Next dirons certains à l'époque) allié à une réelle efficacité et simplicité d'usage pour créer des images de synthèse ont fait d'InShape un logiciel d'exception sur Atari dans sa catégorie (à l'instar d'un ZZ Volume pour la DAO ou d'un Calamus pour la PAO).
Ceci était largement justifié. Il faut bien voir que pour l'époque (début de l'image de synthèse sur micro-ordinateur) un tel logiciel présentait des fonctionnalitées vraiment trés impressionnantes et pourtant faciles à mettre en oeuvre puisque toute l'interface était graphique. Inutile d'être un informaticien chevronné et émerite en lignes de commandes pour créer des scènes 3d avec transparence et reflets à l'infini. Par ailleurs, la qualité de rendu du moteur Ray-Tracing était déjà reconnu pour son excellence.
Pour a peu prés 1800 francs français de l'époque, vous repartiez sous le bras avec un logiciel hyper stable, trés performant, peu gourmand en mémoire et complétement en français (logiciel, documentation, tutoriaux), là où ailleurs il fallait débourser minimum 5 fois ce prix pour un logiciel tout en américain et sans aide.
Il y avait 3 points majeurs qui atténuaient cette "génialité" à bas prix :
- La résolution d'affichage :
InShape 1 ne fonctionnait uniquement que dans la résolution
TT moyenne (640x480 pixels en 16 couleurs). Si cela ne nuisait pas à
la qualité de son interface, par contre pour visualiser les images
calculées il était bien dommage que les cartes graphiques
ne soient pas reconnues, ce qui est vraiment une faute de gôut pour
un logiciel produisant uniquement de l'image haute définition 16
millions de couleurs (ou 24bits).
- Non Gem :
Son inteface n'était pas Gem mais "propriétaire".
Mais bon! celle-çi étant novatrice, claire, aérée,
lisible, moderne et bien structurée que c'était un vrai plaisir
de l'utiliser. Le côté non Gem de l'interface cantonnait par
contre InShape dans la résolution TT Moyenne et ne laissait pas
présager une évolution plus large tel que le permettait le
Gem.
- Pas de DXF :
Pour la modélisation et l'import d'objets 3d,
InShape 1 ne connaissait qu'un seul format, le sien (le IOB). A l'heure
où tout les logiciels 3D échangaient via le format standard
DXF 3d, cela freinait l'usage d'InShape.
Par exemple, pour un utilisateur du logiciel ZZ Volume
(modeleur architectural), ceci était un vrai problème. Pas
moyen de récupérer une maquette créée avec
ZZ Volume pour en faire un rendu de synthèse avec InShape.
Malgré ces défauts, utiliser InShape 1 était (et reste) un vrai plaisir. Il permettait en premier lieu de s'initier avec facilité aux principes de réalisation d'une image de synthèse. Pour la plupart, les acquéreurs de InShape 1 étaient des professionnels (architecte, designer, etc ...) qui savaient ou pressentaient que l'image de synthèse allait devenir un moyen d'expression et de travail incontournable. InShape 1 permettait à moindre frais d'accéder à cette technologie logiciel tout en produisant déjà des images de qualité.
Il est à noter que l'auteur d'InShape 1 était
Roald
Christesen.
En France, l'éditeur d'InShape 1 est ALM/SCAP
INFORMATIQUE.
Par ailleurs, il existe un indice trés subtil sur
l'éventuel origine d'InShape. Cet indice se trouve dans le programme
GEMVIEW (trés connu des Ataristes), destiné à afficher
des images. La version 3.17 de GemView présente un systême
de fichiers modules destinés la reconnaissance de nombreux formats
d'image bitmap pour l'import et l'export. Parmi ces modules, on trouve
ceux concernant le format IIM qui est le format d'image propriétaire
d'InShape.
Les utilisateurs d'InShape 1 ont trés vite désignés les carences de InShape 1 (résolution limitée, non gem, pas de dxf 3d, etc ...).
Dans son édition n°73 de juin 1993, ST Magazine (la revue française de référence de l'univers Atari), produit un article sur le CEBIT 93 (un salon Atari en Allemagne). Dans cet article on découvre qu'une nouvelle version d'InShape est (enfin) sortie. Voici le texte de l'article :
" ... InShape, logiciel de Raytracing
avait évolué vers une nouvelle version plus conviviale avec
gestion des cartes graphiques (Matrix) et un retour de son interface, toujours
splandide, vers un Gem plus classique, ce qui lui permettait de tourner
également sur Falcon (équipé de coprocesseur 68881/2).
une bonne nouvelle pour ce fantastique logiciel disponible en France auprés
de ALM."
La photo d'écran accompagnant l'article permet
de voir que si les menus sont en Anglais, par contre l'interface semble
vraiment être du Gem pur et dur sans rien perdre de sa clarté
et de sa lisibilité. En France pendant ce temps, seul la version
1 est disponible.
Il s'agit de la version 1.5 en développement par Roald Christesen
qui ne sortiras d'ailleurs jamais (du moins en France en l'état).
Il faudra attendre l'année 1995 pour qu'apparaissent
cette nouvelle version.
De rélles nouveautées sont au rendez-vous
:
Le nom de Roald Christesen disparait et celui de Patrick Merminot apparait dans la boîte d'info.
Toutefois, cette version bêta 2.06 ne débouchera
sur aucune mise à jour et InShape en restera là et le suivi
de son développement s'arrêta tout net aprés un manque
de soutien de l'éditeur français envers le nouveau programmeur
d'InShape.
Malgré le déclin des ordinateurs Atari (et par voie de conséquence du développement des logiciels), un certain nombre d'utilisateurs (amateurs et professionnels) persistent à utiliser ces micro-ordinateurs et le systême TOS/GEM.
L'un de ces utilisateurs fut à l'origine
de la relance du développement d'InShape 3.
Petite interview :
STMag
Comment avez-vous découvert le TOS/GEM ?
FB
C'était dans les années 1990, l'époque
où Atari sortait ses micro ordinateurs (Atari ST520, etc ...). A
l'époque, voir un Atari ST520 c'était comme voir la sainte
vierge. Un truc pareil avec souris, interface graphique et tous le fourbis
relevait du miracle, car pour "seulement environ" 5000 francs de l'époque
vous pouviez vous en acheter un là où il fallait le double
pour avoir un PC sous DOS, sans souris et sans interface graphique.
STMag
Quel fut votre premier Atari ?
FB
Un Atari 1040STF avec le rédacteur pour taper
les rapports de stage.
STMag
Avez-vous découvert d'autres programmes ?
FB
Un jour, un ami me file un jeu : Fly simulator Cesna.
Comme jeu c'était nul et incontrôlable, mais c'était
le premier programme que je voyais capable de faire évoluer en temps
(presque) réel un univers 3D face pleine. Là je me suis dit
que les ordinateurs devenaient vraiment intérressants.
Puis le jeu CARRIER COMMAND est sorti. Mettons de côté le scénario du jeu, ce qui était nouveau et potentiellement prometteur, c'était que sur un simple 520 ST vous pouviez évoluer en temps réel de manière souple et convivial dans un univers virtuel avec des objets 3d mobiles possédant une part d'intelligence artificelle. Pour moi, tous les ingrédients étaient là pour ce que j'attendais d'un ordinateur. Voilà ce que je me suis dit "Si sur un bête Atari ST520 on peut faire cela avec un jeu, alors pourquoi ne pas appliquer ces algorithmes pour une application plus professionnelle comme le dessin des perspectives de bâtiment". Malheureusement je ne touchais pas une bille en programmation et j'avais d'autres centre d'intérêt pour me lancer dans l'apprentissage de la programmation. Dommage!
Puis avec un camarade nous nous sommes inscrit au concours "CREATIVITE 90" organisé par ST Magazine (voir ST MAgazine n°43 Août 1990). Nous nous sommes enfermés pendant 2 semaines pour réaliser notre projet (lui à la programmation et moi au scénario et au graphisme). Je ne possédais qu'un seul outil de dessin : DEGAS, et je voulais absolument une animation 3D pour rendre notre histoire "sans parole" plus vivante. Alors le programmeur a créé une petite application en GFA qui permettait de modéliser des objets et de l'animer en temps réel à l'écran en contrôlant la souris. Ensuite nous récupérions les points de vue intéressants en autant d'image pour les retoucher dans DEGAS (pour la petite anecdocte, nous avons quand même remporté le 3éme prix de ce concours).
STMag
Avez-vous développé votre logiciel 3D ?
FB
Oui, un petit peu. Lorsque je me suis installé
comme Graphiste-Designer indépendant, j'avais souvent besoin de
dessiner des objets ou des perspectives à la main. Monter un "craticulage"
à la main pour des scènes complexes est long et laborieux
alors qu'un logiciel 3D temps réel calcul automatiquement la perspective
en fonction du point de fuite. A ma demande, le programmeur à repris
son programme en basic OMIKRON en ajoutant quelques fonctions pour mes
besoins. La modélisation était sommaire et le rendu en fil
de fer, mais l'important était de pouvoir faire bouger la maquette
3D en temps réel. Je visualisais les volumes généraux
et pouvait choisir le ou les points de vue intérressants. J'imprimais
l'image et ensuite avec un calque et les techniques graphiques traditionnelles
je dessinais précisémment le bâtiment, l'ordinateur
ayant déjà calculé les points de fuite.
STMag
Comment avez-vous évolué ?
FB
Par la suite, j'ai acquis un TT03 avec une carte Matrix
16 millions de couleurs et les logiciels ZZ Volume et InShape 1 (et Calamus).
ZZ Volume était un logiciel de modélisation orienté architecture vraiment génial avec une interface graphique vraiment simple et efficace. Dommage qu'il ne soit plus développé et que tout ce travail de programmation soit perdu. J'ai essayé de recontacter l'auteur et de récupérer les sources, mais sans succés malheureusement.
STMag
Que pouvez-vous nous dire sur InShape ?
FB
InShape 1 était vraiment LE LOGICIEL à
avoir 'à l'époque) pour faire de l'image de synthèse sur Atari : interface graphique
claire et limpide, rendu Raytracing de haute qualité, etc ... Son
seul trés gros défaut était le manque de fonction
intuitive de calage de son modeleur. Impossible de modéliser un
bâtiment dans un laps de temps "rentable" et comme il ne possédait
aucun import d'objet 3D autre que son propre format, impossible de récupérer
les objets DXF créés avec ZZ Volume (par exemple).
La version 2.06 est arrivée un peu tard mais fut la bien venue avec ses améliorations salvatrices (interface GEM, import/export DXF, etc ...).
Malheureusement, le développement de InShape 2 fut stoppé net pour des problèmes de reconnaissance du travail acharné produit par Patrick Merminod par l'éditeur d'InShape.
Puis le déclin de l'univers des ordinateurs Atari est survenu avec sa quasi disparition que nous connaissons.
STMag
Quelle option avez-vous choisi ?
FB
Dans mon contexte professionnel il était impossible
de continuer avec seulement un Atari TT (un ordinateur d'une grande fiabilité
certes, mais plus assez rapide). L'alternative la plus fiable et sérieuse
à long terme était de migrer sur Mac et d'utiliser MagicMac.
C'est ce que j'ai fais et je ne le regrette pas. MagicMac est vraiment
un trés bon "émulateur" Atari/TOS/Gem, plus performant et
efficace même que le TOS 3.06 original du TT
STMag
Avez-vous rencontré des problèmes ?
FB
Pas avec MagicMac proprement dit mais avec certains programmes
GEM. Pour ma part je continuais à utiliser Calamus, ZZ Volume
et InShape.
Calamus fonctionnait bien sur MagicMac, mais pas ZZ Volume et InShape. J'ai alors cherché à contacter les auteurs de ces logiciels pour savoir si ils accepteraient de mettre à jour leur logiciel ou à défaut de me céder les sources en espérant trouver un programmeur susceptible de rendre ces programmes compatibles MagicMac. L'idée me trottait dans la tête depuis fort longtemps. Puis un jour je me suis lancé dans la recherche.
Pour ZZ Volume mes recherches n'ont pas abouties, mais pour INSHAPE j'ai pu entrer en contact avec Patrick Merminod, le développeur de la version 2.06 . Il a accepté de me céder ses sources et je l'en remercie. Toutefois, je n'avais fait que la moitié du chemin. Il me fallait trouver un programmeur ayant les compétences et la passion de la programmation pour consacrer du temps à ce projet.
Le hasard m'a fait rencontrer Olivier Landemarre. Nous étions tous les deux sur Mac G3 + MagicMac. Je lui ai transmis les sources d'InShape 2.09 de Patrick Merminod avec un seul objectif : rendre InShape compatible avec la gamme Magic (donc MagicAtari, MagicMac, MagicPC) et par extension avec tous les systêmes compatibles Atari.
Mais son travail est allé au dela de cette "simple" exigence. De trés nombreuses améliorations ont été apportées à INSHAPE 2, si bien que cette version 3 est bien l'oeuvre d'Olivier Landemarre qui a poursuivi le travail des 2 programmeurs précédents.
Débuté en septembre 2000, l'aventure INSHAPE 3 trouve sa finalisation en novembre 2003. Il nous aura fallu 3 ans de travail mais surtout de motivation et de la persévérance pour mener notre projet à terme.
Aujourd'hui (novembre 2003), nous considérons le
projet comme suffissamment abouti et stable pour le diffuser.
Avec InShape 3 nous voulions au moins atteindre un
objectif:
Libérer InShape de son carcan programmatique 68030
et DSP et lui permettre d'évoluer vers les nouveaux systêmes
d'exploitation de la gamme Magic plus performants que les TOS vieillissants.
Nous pensons avoir aujourd'hui réalisé notre objectif et
InShape peut s'exprimer sur des ordinateurs puissants tout en restant compatible
(donc fidèle) à l'univers Atari.
Avec cette version 3, InShape est aujourd'hui potentiellement prêt pour affronter son évolution.
Notre souhait, serait aussi que la sortie de ce logiciel "majeur" dans la logithèque GEM, serve à fédérer des compétences éparpillées de l'univers Atari pour le développement de certains modules.
Nous verrons bien si cela améne d'autres idées ...
...